Milan, 27 janv. (LaPresse) – "Je ne suis pas tellement surprise par l’antisémitisme d’aujourd’hui. Il est manifeste maintenant, mais il a toujours existé. La différence, c’est qu’on ne pouvait pas en parler dans les termes éhontés qu’on entend aujourd’hui – des termes honteux et répugnants, qui expriment le pire que l’on puisse dire." Ce sont les mots de la sénatrice à vie Liliana Segre, survivante d’Auschwitz, lors de la conversation "Chère Liliana" avec Marco Vigevani, président du Comité des événements de la Fondation Mémorial de la Shoah de Milan, diffusée en ligne sur les canaux du Mémorial.
"On devrait étudier l’évolution de l’Europe et du monde occidental au cours des 50 dernières années," a souligné Segre. "Pour ce qui me concerne, à mon retour d’Auschwitz, j’ai choisi le silence parce que je me rendais compte de l’incapacité des gens à comprendre la tragédie d’un survivant qui revenait dans un monde qui voulait vivre et revivre."
Cependant, lorsqu’elle a atteint ses 50 ans, Segre, aujourd’hui âgée de 94 ans, a décidé de briser le silence parce qu’"elle se rendait compte que le monde changeait, mais que l’antisémitisme restait toujours le même."
"J’ai vécu les années 80 et 90 et j’ai vu les changements," a-t-elle poursuivi. "Quand Furio Colombo a décidé d’instaurer la Journée de la Mémoire, j’ai vu que tout le monde avait décidé qu’il fallait se souvenir."
Segre se rappelle ainsi l’"immense intérêt" suscité par ce qui s’était passé dans les camps. "J’ai lu et vu des films fantaisistes où quelqu’un s’échappait dans les ténèbres, traversant joyeusement une Pologne antisémite pour trouver refuge quelque part," a-t-elle raconté. "Mais moi, qui avais vécu cette haine envers les prisonniers des camps pendant près de deux ans, je savais que pendant la marche de la mort, personne ne se penchait depuis les balcons pour nous jeter une croûte de pain ou une écharpe. Personne ne s’intéressait aux Juifs."
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