Après que les sphères économiques et politiques du pays aient lâché un ouf de soulagement suite à un accord de principe avec les équipes techniques du FMI sur ce prêt, le report de l’examen du dossier prévu initialement pour le 19 décembre, est venu chambouler les calculs du gouvernement tunisien dont les marges de manœuvre se sont considérablement réduites.
Ce report aussi inattendu que soudain a suscité des craintes sur la viabilité et la soutenabilité des finances publiques, à un moment où l’exécutif met les dernières touches sur la nouvelle loi de Finances qui tablait sur ce prêt depuis le premier trimestre 2022.
Outre son impact prévu sur les finances publiques, la Tunisie espérait avec l’obtention de crédit, prétendre à de nouveaux financements tant cruciaux pour son économie et pour préserver ses équilibres budgétaires .
« L’accord avec le FMI permettra à la Tunisie d’accéder à d’autres sources de financement (Banque mondiale, Banque africaine de développement, Banque islamique de développement et autres bailleurs de fonds) », a affirmé à ce sujet, l’économiste et ancien ministre du Commerce, Mohsen Hassan.
Et d’ajouter que ces institutions attendaient le feu vert du fonds pour prêter à la Tunisie, qui cherche à sortir de sa crise financière et à rembourser ses crédits et ses engagements ».
Derrière ce bouleversement, plusieurs observateurs pointent du doigt une approche défaillante du gouvernement en matière de gestion du dossier du prêt FMI, déplorant le manque d’un véritable business plan et la clarté des réformes à entreprendre, le tout exacerbé par de vives tensions avec les principaux partenaires sociaux, notamment l’influente centrale syndicale, l’Union Générale des travailleurs tunisiens.
Analysant la démarche du FMI, l’économiste Ezzeddine Saidane, a qualifié cette déprogrammation de « forme de rejet sévère », expliquant que les vraies raisons derrière cette décision résident, entre autres, dans la volonté du FMI de « s’assurer au préalable que d’autres bailleurs de fonds sont prêts à le rejoindre pour réussir ensemble le programme de réformes proposé par l’Etat en question ».
Et de souligner dans un post sur les réseaux sociaux, que les autres bailleurs de fonds et les agences de notation s’interrogent tous sur la capacité des autorités tunisiennes d’exécuter les réformes sur lesquelles elles se sont engagées.
Le FMI veut, à travers ce rapport, s’assurer que la LF 2023 n’est pas en contradiction avec le programme de réformes ayant servi à obtenir l’accord provisoire du FMI, a-t-il expliqué.
Pour l’universitaire et économiste Ridha Chkoundali, le désaccord entre les acteurs économiques et sociaux sur le contenu des réformes inscrites au programme de réforme est la principale raison de cette décision.
Chkoundali, cité par des médias, estime que les répercussions de ce report seront très graves et aggraverait la crise financière étouffante que vit le pays.
Ces deniers jours, la puissante centrale syndicale, l’UGTT, est montée au créneau pour exiger une communication plus claire sur les réformes et les engagements du gouvernement envers l’instance financière internationale.
Dans un récent communiqué, l’UGTT avait exprimé son étonnement et son indignation face à ce qu’elle a qualifié de « mensonges », quant à une supposée participation de l’Union ou de ses experts dans l’élaboration du programme des réformes présenté par le Gouvernement au Fonds monétaire international. La centrale syndicale a nié catégoriquement être au courant de la teneur de l’accord conclu entre le gouvernement tunisien et le Fonds.
Le 15 octobre 2022, le FMI avait annoncé que ses services et les autorités tunisiennes sont parvenus à un accord au niveau des services pour soutenir les politiques économiques de la Tunisie avec un accord de 48 mois, au titre du Mécanisme élargi de crédit, d’environ 1,9 milliard de dollars.
Une source officielle, citée par des médias, a affirmé qu’une nouvelle date sera convenue entre les autorités tunisiennes et le Fonds monétaire international concernant l’examen et l’approbation de la Facilité élargie de crédit pour la Tunisie, afin de donner aux autorités du pays davantage du temps pour finaliser les détails du programme de réforme qu’elles lui ont présenté.